Il est des artistes comme certains champions sportifs : désespérément talentueux. C’est le cas du chanteur et guitariste galicien Antonio Placer, dont certains des précédents travaux étaient déjà hautement recommandables. Placer ne semble connaître ni limite musicale, ni lourdeur instrumentale. Avec lui, on se surprend à siffloter une mélodie presque pop ou une mélopée magnifique avec un même aplomb. Il y a chez ce musicien une liberté des notes et une poésie des mots absolument renversantes... Il ressort de ces voyages au « moyen cours » une étonnante ouverture musicale... En embrassant ainsi une vaste zone méditerranéenne, Placer affirme l’universalité d’un discours qui trouve ici un magnifique point de sublimation.
Hervé Guilleminot
Antonio Placer & Jean-Marie Machado
Republiclama
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Premier volet d'un triptyque sur le thème de l'exil que partagent les histoires familiales du ténor galicien Antonio Placer et du pianiste d'origine portugaise et italo-espagnole Jean-Marie Machado, le titre de ce disque peut se traduire par "l'âme" ou "le calme" de la République.
Ainsi placée sous le signe de l'engagement et du plaisir des mots, la rencontre entre ces deux amis est un moment d'intimité chargé d'émotion et d'érudition, de swing jazz et d'impressions classiques, en un mot, de poésie. Un répertoire de compositions personnelles au sein duquel se glissent des standards de Gardel, Brassens ou Jean Ferrat, décliné en galicien, espagnol, français, ou encore dans cette forme d'esperanto inventée par Placer, à l'image du scat enlevé de la chanson-titre de l'album.
Par YR.
Il y a, dans le titre de ce premier volet d'un triptyque consacré à l'exil (Republicanto), les contours ébauchés d'une patrie rêvée, refuge et fraternelle, la promesse d'un havre de calme. Ce nouveau territoire de l'âme, le poète galicien Antonio Placer l'explore avec un vieux complice, le pianiste jazz Jean-Marie Machado, capable de le suivre dans sa vigueur la plus furieuse comme dans ses méandres les plus tragiques. Ces deux-là se portent l'un l'autre, faisant exulter leurs fulgurances communes avec plus de force encore.
D'entrée, la voix majestueuse de Placer jaillit, virevoltante et puissante, flirte avec les nuages avant de redescendre brusquement sur le morceau titre : deux minutes d'un hors-piste vigoureux de scats et d'onomatopées qui laissent pantelant. Tour à tour frémissante et caverneuse, sautillante et tragique, cette voix protéiforme charrie les émotions avec une rare intensité. "Je refuse la nostalgie du temps qui passe", chante le troubadour dans l'un des trois titres poignants qu'il interprète en français. On y entend, en écho, la solitude, mais aussi la détermination du migrant, contraint de s'inventer une vie nouvelle. Sur la dernière plage, il est "l'éboueur" qui pleure sa disgrâce mais l'accueille, reconnaissant. Bouleversant.
Anne Berthod - Télérama n°3227
La voix frémit, monte dans les aigus, se déploie, puis se livre à de sautillants méandres. Cela tient du lyrique, du tribal, du contemporain, et même du jazz, du reggae ou du latino. Antonio Placer aime les jeux abstraits, voire solennels, mais il cultive aussi une douceur et une intensité émotionnelle qui prennent aux tripes. Quelques mots en français (il vit dans le Dauphiné), en castillan et dans une langue imaginaire très personnelle s'insinuent dans sa langue maternelle, le galicien, pour quêter « l'Atlantiterranée » : « Chaque chant est un maquis/Où les flots se rejoignent... Océan de chansons/Mer-vers faite peuple... »
Autour de lui, en lumineuses ponctuations, officient l'accordéoniste Jean-François Baez, venu du jazz, le guitariste et bassiste Stracho Temelkovski, nourri au rock et à l'électro, le pianiste Jean-Marie Machado, façonné aux croisements avec le classique, et le percussionniste Jorge « Negrito » Trasante, forgé aux musiques sud-américaines. Depuis le début des années 90, les concerts d'Antonio Placer aimantent les fans. Voici enfin l'enregistrement qui rend compte de ses happenings poétiques.
Eliane Azoulay - Télérama n°3133
L'indignation d'Angélique Ionatos et Antonio Placer
Un duo féminin-masculin tout en poésie et en émotions.
Dans le cadre du festival Bruissements d'Elles, Langeais accueillait à l'In'Ox, « Chansons indignées », le dernier spectacle, le 13 est un vendredi soir. Funeste association ? Au contraire, une soirée bonheur pour le nombreux public venu assister à ce moment d'émotions. Angélique Ionatos, c'est une voix chaude comme un Meltem (vent de Cyclades) qui souffle la révolte de la fille « d'un pays qui s'effondre ».
Elle chante la tragédie grecque au sens propre, celle du quotidien. Un chant d'une beauté qui serait funèbre, s'il n'était magnifié par des fulgurances de guitare, et surtout toujours porteur d'un message d'espoir, « mon pays s'effondre pour renaître autrement »et de révolte bien sûr, « transformons le fumier en parfum ».
Elle chante car elle pense comme Celaya que « la poésie est une arme chargée de futur ». Elle chante contre le pouvoir de l'argent, contre la situation effroyable des réfugiés.
Elle ne pouvait donc qu'être en totale communion avec le Galicien Antonio Placer, lui qui s'est dit « anartiste », chantre de la rébellion, maquisard joyeux car « après tout, dans toute chanson indignée réside la joie ! ».
De sa voix grave, il offre des textes entre les chants. Et si, lui aussi fustige « ce siècle mille fois assassiné, ceux qui sont arrivés déguisés en amis dont les cadeaux n'étaient que des armes et du feu », il ouvre à son tour les portes de l'espoir, celui que porte l'enfant qui apprend à marcher vaille que vaille.
Ce duo musical, poétique, révolté, écorché vif, pour lequel Loup avait choisi une belle sobriété d'éclairages, le public aurait voulu le garder. Ils l'ont quitté après précisément une très belle ode à l'enfant ce grand poète, cet être rempli d'avenir.
Antonio Placer est poète et chanteur, Galicien de surcroît. Chacun de ses albums est un plaisir des sons et des mots. Il s'agit ici du premier volet d'un triptyque où il est accompagné par le pianiste Jean-Marie Machado, d'origine portugaise, un ciseleur d'accompagnement. On peut dire que les deux musiciens interviennent à part égale, dans un grand équilibre, l'engagement "physique" d'Antonio étant soutenu au piano tantôt avec une rondeur délicate de sons qui s'égrainent, tantôt avec ferveur et mordant. Les textes sont toujours aussi riches et peaufinés (et traduits en plusieurs langues). Une surprise : l'entame du disque propose des paroles d'Antoine Pol adaptées en galicien sur musique de Georges Brassens. Et c'est un délice. Reste à savoir s'il s'agit là de "musique traditionnelle" par l'usage d'une langue "régionale". Tenez-moi au courant du débat...
Par Claude Ribouillault